par Sébastien GOULARD
Après s’être rendu à Mayotte suite au passage du cyclone Chido, le Président Macron a fait escale dans la corne de l’Afrique, tout d’abord à Djibouti le 20 décembre, puis en Ethiopie le 21 décembre. L’objectif de ce déplacement était, en autres, de développer une nouvelle stratégie française en Afrique, alors que les intérêts français en Afrique francophone sont de plus en plus remis en cause, et d’affirmer l’importance de la corne de l’Afrique dans les échanges que la France entretient avec le reste du monde.
Il s’agit aussi pour la France de renforcer ses relations avec deux pays : Djibouti et l’Ethiopie qui ont eux-mêmes lancé leur propre stratégie de développement, ouvertes sur le monde. Pour Paris, il était nécessaire de confirmer sa participation à ces plans très ambitieux.
La France et la Vision 2035 de Djibouti
A Djibouti, le Président Emmanuel Macron est venu fêter en avance Noël avec les troupes françaises déployées dans sa base militaire. A l’heure où plusieurs Etats africains demandent à la France de fermer ses bases, Djibouti, qui accueille aussi des bases américaine et chinoise, se révèle être un partenaires stratégique majeur pour Paris, et son rôle pourrait devenir encore plus important dans la stratégique française en Afrique, notamment en raison des tensions en mer rouge qui menacent le trafic maritime. Djibouti, comme la France, ont besoin que la sécurité soit rétablie dans la région.
Durant cette visite, le Président Emmanuel Macro et son homologue Ismaïl Omar Guelleh ont renouvelé l’accord de coopération en matière de sécurité entre les deux Etats, et ont évoqué de nouveaux partenariats de coopération notamment sur la construction d’un second aéroport international, un élément majeur de la stratégie « Vision 2025 ». La petite république de Djibouti sait se montrer indispensable auprès des grandes puissances pour assurer la sécurité des routes maritimes, et arrive ainsi à mettre en place une stratégie de développement gagnante.
Adopté en 2014, la Vision Djibouti 2035 ambitionne de faire du pays un véritable hub régional de la corne de l’Afrique, l’axe entre Djibouti et l’Ethiopie y est particulièrement présent, avec le développement de nouvelles infrastructures de transport pour booster l’intégration régionale. Mais le plan national a aussi pour ambition de diversifier l’économie du pays, et permettre à sa population de développer de nouvelles compétences. Parmi les différents projets peuvent être cités la création d’une zone spéciale dédiées= aux nouvelles technologies, et le développement d’une zone de logistique. Un des objectifs de cette stratégie est d’accélérer la transition énergétique du pays et de passer à 100% d’économies renouvelables pour 2035.
Les ambitions de l’Ethiopie,
Le Président français a poursuivi son voyage par une escale à Addis-Abeba pour rencontrer le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Ils se sont rendus au Palais National, ancienne résidence de l’Empereur Haile Selassie, auquel la France a participé à la rénovation.
Le Président français a annoncé financer à hauteur de 100 millions d’euros à travers l’Agence Française de Développement différents projets liés à la modernisation du projet, ainsi que l’accord d’un prêt de 80 millions d’euros pour la rénovation du réseau électrique éthiopien.
Pour le Premier ministre Abiy Ahmed, l’objectif de cette visite était double. Le premier but était d’inviter les entreprises françaises à investir en Ethiopie, une économie dynamique qui a rejoint les BRICS+ en septembre 2023. Il était aussi question de rappeler l’objectif éthiopien d’avoir accès à la mer. L’Ethiopie, pays enclavé, dépend entièrement de Djibouti pour ses relations avec le reste du monde, et en janvier 2024, l’Ethiopie signait un accord avec l’Etat non reconnu du Somaliland pour un accès à la mer au grand dam du gouvernement de Somalie. En décembre 2024, sous la médiation de la Turquie, l’Ethiopie et la Somalie obtenaient un accord qui ne remettait pas en cause leur souveraineté respective, et envisageait un accès à la mer pour Addis Abeba. Lors de sa visite en Ethiopie, le Président Macron a soutenu cet accord et a déclaré qu’un accès à la mer pour Addis Abeba constituait « une demande légitime ».
L’Ethiopie, un phare africain de prospérité
En 2020, le gouvernement éthiopien lançait son plan de modernisation décennal intitulé « L’Ethiopie, un phare africain de prospérité » avec l’ambition de faire du pays l’un des moteurs économiques de l’Afrique. Cette stratégie identifie quatre priorités que sont la lutte contre les inégalités économiques et sociales, l’adaptation aux menaces extérieures et environnementales, le renforcement des infrastructures, et le développement de l’éducation et de la santé. Pour atteindre ces objectifs, Addis Abeba aura besoin du soutien des investisseurs et partenaires étrangers, d’Afrique ou d’ailleurs. Par le passé, les investisseurs chinois ont été nombreux à saisir les opportunités qu’offrait l’Ethiopie. Aujourd’hui, Addis Abeba cherche à diversifier ses partenariats. La France de son côté, a pour ambition d’être plus présente en Afrique non-francophone.
C’est la deuxième fois que le Président Macron se rend en Ethiopie, après une première visite en 2019, on peut espérer que de nouveaux échanges puissent avoir lieu dans le futur.
Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.