La stratégie 2024-2033 de la Banque africaine de développement

La stratégie décennale 2024-2033 de la Banque africaine de développement identifie les recommandations nécessaires à l'Afrique.

par Sébastien GOULARD

La Banque Africaine pour le Développement (BAD) a dévoilé en mai dernier sa nouvelle stratégie décennale 2024-2033. Il s’agit pour la banque de développement d’accompagner au mieux les Etats africains dans les enjeux auxquels ils font face. Parmi ces derniers, la BAD a identifié les questions de l’insécurité alimentaire, l’endettement, le changement climatique, le manque d’emploi et les conflits. Pour la BAD, le développement de l’Afrique devra inclure sa population, jeune et dynamique.

La BAD, dont le siège est à Abidjan, a été créée en 1964, pour accompagner le développement des Etats africains, après le processus de décolonisation. Aujourd’hui, la BAD œuvre à la mise en place et au financement de projets qui transforment l’Afrique. La BAD a pour membres l’ensemble des Etats africains, ainsi que 27 Etats d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Il s’agit d’une institution majeure pour le développement en Afrique. En 2022, le montant des prêts approuvés par la banque a atteint 6,16 milliards de dollars. 

Les défis au développement de l’Afrique

Dans son document stratégique, la BAD insiste sur les progrès réalisés tout au long de la dernière décennie. L’Afrique a ainsi connu un taux moyen de croissance annuel de 3,3%, ce qui a permis de réduire l’extrême pauvreté, et d’augmenter l’espérance de vie de près de 10 ans. Les créations d’emplois se sont accélérées même si le continent a été durement touché par la pandémie du Covid qui a fortement impacté les économies africaines.

Les auteurs du rapport notent cependant que l’Afrique doit encore faire face à de nombreux défis, notamment concernant l’accès à l’énergie.  Un autre défi est celui de la réduction des inégalités. Le développement que connait les économies africaines ont accentué certaines inégalités, notamment entre citadins et ruraux. La BAD met en garde aussi sur le dérèglement climatique que l’Afrique doit affronter et qui augmente les risques de crises économiques et alimentaires sur les sociétés africaines. L’Afrique est aussi aux premières loges concernant les risques liés à l’invasion russe de l’Ukraine, puisque l’accès aux importations de céréales s’en retrouve menacé.

La BAD note que l’endettement en Afrique a progressé depuis 2010, et que 24 Etats africains étaient fortement exposé à des risques élevés d’endettement. Enfin, l’Afrique est en proie à de nombreux conflits internes qui impactent son économie, mais aussi forcent des millions d’Africains à prendre la route de l’exil.

Un continent d’opportunités

Cependant malgré ces menaces, l’Afrique reste une terre d’opportunités pour la BAD. Tout d’abord, le continent est un géant démographique en devenir. En 2063, la population africaine surpassera celles combinées de la Chine et de l’Inde. Ce sera le continent avec la population la plus jeune, et donc la plus dynamique sur le marché du travail ; à condition bien sûr, que les économies africaines réussissent à former ces jeunes adultes et à créer assez d’emplois. Pour cela les experts de la BAD soulignent le rôle que devra jouer le secteur privé et notent que la diaspora africaine pourrait participer à ce développement.

L’Afrique est aussi un acteur-clef de la décarbonation à l’échelle mondiale. En plus d’abriter près de 30% des dépôts de minerais mondiaux, y compris de terres rares, l’Afrique présente un potentiel important dans les énergies renouvelables, notamment le solaire qui n’est pas encore exploité à son niveau optimal. Avec l’augmentation de la demande mondiale en énergies vertes, l’Afrique peut devenir un exportateur majeur ; même si ces énergies nouvelles devront aussi servir localement à la digitalisation de son économie.

Enfin l’Afrique s’urbanise. En 2033, la moitié de la population africaine vivra en villes. Les populations du Caire et de Kinshasa devraient dépasser les 25 millions d’habitants. C’est pour cela que les Etats africains doivent continuer à investir dans la planification et l’aménagement urbain pour offrir les meilleures conditions possibles à leurs nouveaux citadins, et créer de nouveaux emplois.

Cinq objectifs

La BAD a défini 5 objectifs qui permettront à l’Afrique de connaitre un développement durable dans les 10 prochaines. Il s’agit de connecter l’Afrique, la nourrir, l’industrialiser, l’intégrer et améliorer la vie de ses habitants.

Connecter l’Afrique

La première priorité est de développer l’énergie nécessaire à la société africaine pour lui assurer les conditions nécessaires à l’essor de son économie. Selon la BAD, pour que tous les Africains puissent avoir accès à l’électricité, près de 190 milliards de dollars doivent être investis chaque année jusqu’à 2030. La Banque apportera son soutien aux projets basés sur une énergie décarbonée.

Nourrir l’Afrique

La deuxième concerne son agriculture et sa sécurité alimentaire. Le continent africain doit réduire drastiquement sa dépendance aux importations agricoles. Comparativement à d’autres régions du monde, les productions agricoles en Afrique sont limitées faute à une irrigation défaillante et au recours limité aux engrais. LA BAD aura dans ses priorité le financement de nouvelles filières de l’agroalimentaire.

Industrialiser l’Afrique

En Afrique, le processus d’industrialisation est freiné par un accès limité à l’énergie, des infrastructures de transports pas assez développées et une digitalisation qui peut être améliorée. L’une des priorités de la BAD sera de financer des projets qui permettront la diversification économique et d’apporter son expertise aux gouvernements africains pour mettre en œuvre des politiques industrielles ambitieuses. Cinq secteurs ont déjà été identifiés : l’agroalimentaire, l’extraction minière, le secteur digital, la santé et le textile.

Intégrer l’Afrique

Les économies africaines ne sont pas encore assez intégrées entre elles et les échanges entre les pays africains restent encore très limités faute de chaines de production communes et d’infrastructures à l’échelle du continent. La BAD  apportera son soutien aux projets transfrontaliers pour créer des dynamiques communes aux Etats africains.

Améliorer la qualité de vie des Africains

Enfin, la BAD a pour objectif dans sa stratégie 2024-2033 de travailler sur une amélioration des conditions de vie des Africains, et plus particulièrement des jeunes et des femmes. Concernant la santé, tous les Etats africains n’ont pas encore développé les infrastructures suffisantes pour répondre aux besoins de leur population. La BAD financera avec les acteurs privés de de nouveaux projets de santé en Afrique. Pour remplir ses ambitions, la BAD s’engage à soutenir des initiatives portées par le secteur privé, pour donner aux petites et moyennes entreprises l’opportunité de se développer.

Cinq priorités

Pour répondre aux enjeux auxquels fait face l’Afrique et atteindre les objectifs définis, la BAD a établi 5 priorités qui sont l’égalité hommes-femmes, l’attention donnée aux jeunes générations, la réponse au changement climatique, la résilience aux chocs et conflits, et enfin le renforcement de la gouvernance économique. La BAD privilégiera donc les projets qui comportent au moins une de ces dimensions. Il est à noter que dans sa stratégie 2024-2033, la BAD indique qu’elle financera moins de projets, mais les projets soutenus seront ceux qui apporteront le plus de changements.

La stratégie 2024-2033 de la BAD était particulièrement attendue à la fois par les Etats africains et les investisseurs locaux et étrangers pour définir leurs objectifs pour la prochaine décennie. L’Afrique a toutes les cartes en mains pour devenir un continent prospère si les acteurs locaux réussissent à répondre aux défis identifiés par la BAD. 

Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.

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