Un plan Marshall pour la Moldavie

Le nouveau plan de croissance européen pour la Moldavie va permettre à ce pays de s'émanciper de la Russie et d'intégrer l'Union Européenne.

par Sébastien GOULARD

Après le Oui de la Moldavie à l’Union Européenne et le la réélection de Maia Sandu à la Présidence de la République ces dernières semaines, le plan de croissance européen annoncé le 9 octobre, devrait être mis en place rapidement et permettre à cette république d’Europe orientale de rejoindre le plus rapidement possible l’Union Européenne.

Réduire l’influence russe

La Moldavie reste un pays  divisé où l’influence russe demeure très forte. Malgré l’invasion de leur voisin ukrainien par Moscou, les Moldaves ne se sont prononcés que timidement pour un futur européen. En effet, lors du référendum sur impossible amendement à la constitution  pour faire figurer le désir du peuple moldave à rejoindre l’Union Européenne, le 20 octobre 2024, le Oui ne l’a remporté qu’avec 50,35% des votes. Deux semaines plus tard, le 3 novembre 2024, se déroulait le second tour des élections présidentielles qui opposait Maia Sandu, Présidente depuis 2020 soutenue par l’alliance du « Parti Action et Solidarité », pro-européenne, à Alexandr Stoianoglo du parti socialiste, russophile. La première a remporté les élections  avec 55,35% des voix. Que ce soit pour le référendum ou les élections, le vote des Moldaves de l’étranger s’est montré déterminant pour lier le destin de la Moldavie à l’Union Européenne. On a pu aussi déplorer l’achat de votes organisé par le Kremlin. L’attachement de la Moldavie à l’UE reste donc fragile, et il faudra continuer à convaincre les Moldaves de l’intérêt à rejoindre la grande famille européenne.  Cela passe par une plus grande intégration dans l’économie européenne.

Une volonté politique

L’intégration à l’Union Européenne est une ambition majeure de la Présidente actuelle Maia Sandu pour son pays. Au lendemain du début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en mars 2022, la Moldavie déposait officiellement sa candidature pour rejoindre l’Union Européenne, et en décembre 2023, Bruxelles officialisait l’ouverture des négociations d’adhésion avec Chisinau. La Moldavie devrait ainsi rejoindre l’UE pour 2030.

En attendant, le pays doit mener de nombreuses réformes, et développer son économie, -la Moldavie restant  encore l’un des Etats les plus pauvres d’Europe. Pour atteindre ces objectifs, la Moldavie doit bénéficier de plusieurs financements européens, dont un plan de croissance, doté de 1,8 milliards d’euros.

Pour l’Union Européenne, il est nécessaire d’intégrer ce petit Etat  dans ses frontières afin d’éviter une ingérence russe à ses frontières. Des troupes russes restent encore stationnées en Moldavie, dans la région séparatiste pro-russe de Transnistrie. L’intégration à l’Union Européenne ne pourra être effective avant leur départ, notamment si la Russie reconnait son indépendance.

Pour se rapprocher de l’UE, la Présidente Maia Sandu multiplie les initiatives visant à combattre la corruption notamment de la part de certains oligarques. Cette politique devrait permettre de rassurer les investisseurs étrangers, qui pourraient attirer par les perspectives d’une adhésion au marché européen.

Le plan de croissance pour la Moldavie

Le plan présenté par l’Union Européenne est souvent comparé au plan Marshall dont a bénéficié les pays d’Europe occidentale au lendemain de la 2nde guerre mondiale, car il pourrait à la fois permettre le développement de la Moldavie et renforcer les valeurs occidentales du pays.

Ce plan de croissance représente 1,8 milliards d’euros qui seront attribués à la Moldavie sur trois ans à mesure que le pays met en place de nouvelles réformes.

L’objectif de ce plan est de doubler la taille de l’économie moldave à horizon 2030, en apportant un soutien financier à près de 25000 entreprises. Jusqu’à 100 000 emplois pourraient être créés.

Le plan européen s’appuie sur trois piliers. Le premier comprend des investissements dans, les infrastructures et les services publics. De nouveaux ponts et routes devraient être construits, notamment pour mieux connecter la Moldavie à ses voisins européens. Le secteur de l’énergie devrait connaitre une rénovation, et de nouvelles connections au réseau européen. Afin de renforcer les échanges avec le reste de l’UE et de rendre le pays plus attractif auprès des investisseurs, un effort sera mené pour renforcer l’internet haut-débit.

Le deuxième pilier consiste à accélérer l’accès au marché commun européen facilitant la libre-circulation des biens, l’intégration au marché digital et au marché de l’énergie, ainsi qu’à l’espace unique de paiement en euros (Single Euro Payments Area-SEPA).

Enfin le dernier pilier a pour objet le soutien aux réformes entreprises par le pays, pour développer sa compétitivité, renforcer les qualifications de ses travailleurs, ou encore entamer la transition énergétique.

Les défis de la Présidente Maia Sandu

Pour la Présidente moldave, ce plan ne doit pas simplement permettre le développement d’infrastructures, mais aussi la protection et la promotion de valeurs démocratiques européennes pour éloigner la menace russe. Bruxelles et Chisinau devront convaincre tous les Moldaves de l’intérêt d’un destin commun. Les citoyens les moins aisés se sont montrés méfiants du rapprochement opéré entre leur pays et l’Union Européenne durant les dernières années en raison de l’inflation qui en a résulté, celle-ci était encore supérieure à 5% en août 2024. De plus, malgré ce rapprochement, le pays n’a pas connu de décollage économique, la croissance stagne, et plus important encore la Moldavie perd une partie de sa population : le nombre d’habitants est passé de près de 3 millions au milieu des années 1990 à 2,42 millions en 2024. Les jeunes, et les personnes qualifiées quittent le pays pour l’Union Européenne grâce aux différents accords européens de circulation. Si cette migration apporte des ressources financières au pays, -les envois d’argent des expatriés à leur famille représentent 12% du PIB-, elle ne participe pas au dynamisme du pays. Un rapprochement avec l’UE pourrait encore accélérer cette dévitalisation. Une priorité que devra adresser la Présidente réélue et les autorités européennes sera de créer des opportunités pour la population locale.

La Moldavie pourrait enfin confirmer son destin européen. En plus de ce plan de croissance, la Moldavie devra bénéficier de nouveaux partenariats avec les Etats membres de l’UE, car c’est l’intérêt de tous les Européens d’avoir à leurs frontières un pays prospère hors de l’influence russe.

Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.

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