par Sébastien GOULARD
Lors de sa visite officielle en France, le 27 février 2024, l’émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani a annoncé de prochains investissements d’un montant de 10 milliards d’euros dans l’économie française à horizon 2030.
Le Qatar et la France sont devenus au fils des ans des partenaires majeurs que ce soit bien sûr dans le domaine de la défense et de la sécurité, mais aussi sur les questions d’énergie et d’économie.
Le plan d’investissement du Qatar est ambitieux et devrait viser en priorité les secteurs suivants : la transition énergétique, les semi-conducteurs, l’aérospatial, l’intelligence artificielle, le numérique, la santé et la culture.
Certains de ces secteurs ont déjà été identifiés comme industries-clef du plan France 2030 lancé en 2021 et qui vise à renforcer l’indépendance industrielle de la France et à faire émerger des starts-ups nationales dans des domaines stratégiques. Ainsi, la France souhaite notamment accélérer sa réindustrialisation dans des secteurs innovants liés à l’aérospatiale, la santé, le numérique ou encore la santé.
Le plan qatari confirme ainsi le leadership de la France en tant que destination des investisseurs étrangers au sein de l’Union Européenne, et permet aussi de rassurer l’ensemble des investisseurs quant au potentiel que présente la France alors que l’économie européenne tend à s’essouffler.
On peut remarquer aussi que certains secteurs identifiés par le plan qatari pour la France apparaissent aussi dans la troisième édition de la stratégie de développement du Qatar 2024-2030 dévoilée en début d’année. Dans ce document qui présente la stratégie adoptée par le Qatar pour devenir une économie avancée à horizon 2030 sont cités les sept ambitions suivantes : 1) atteindre une croissance économique durable, 2) adopter une fiscalité durable, 3) développer une main d’œuvre prête pour l’avenir, 4) préserver la cohésion de la société qatari, 5) offrir une qualité de vie élevée, 6) promouvoir le développement durable et 7) atteindre l’excellence gouvernementale.
Pour atteindre les objectifs de croissance économique, la stratégie qatari s’appuie sur son secteur de l’énergie, mais n’oublie pas de chercher à se diversifier notamment dans l’industrie, la finance, la santé, l’éducation ou le tourisme.
De même, l’environnement est mis à l’honneur. Bien que le Qatar soit au troisième rang mondial pour ses réserves en gaz, l’Emirat développe ses capacités en énergies renouvelables.
Le Qatar et la France devraient donc accroître leur coopération, comme le confirme le forum économique présidés par les deux premiers ministres Gabriel Attal et Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani le 28 février. Des possibles coopérations pourraient voir le jour qui bénéficieraient à la fois à la stratégie France 2030 et au plan de développement du Qatar.
La France est déjà un partenaire majeur du Qatar, plus de 400 entreprises françaises sont présentes au Qatar grâce au dynamisme de l’Emirat et à sa politique d’ouverture. La France est aujourd’hui le premier investisseur de l’Union Européenne au Qatar, et est active notamment dans le domaine de l’énergie à travers TotalEnergies qui depuis 2022 est le premier partenaire étranger dans le projet de GNL « North Field South ». Le Qatar devrait ainsi fournir près de 3,5 millions de tonnes gaz naturel liquéfié par ans pendant 27 ans à la France. Mais c’est aussi au Qatar que TotalEnergies a ouvert sa plus grande centrale solaire, en partenariat avec le japonais Marubeni. La station solaire d’Al Kharsaah d’une capacité de 800 mégawatts-crête (MWc) pourrait couvrir jusqu’à 10% de la consommation d’énergie de l’Emirat. Le Qatar espère ainsi accélérer sa transition vers une économie verte, comme en témoigne par exemple son projet de ville verte Lusail au nord de Doha.
Quant aux investissements qatari en France, ceux-ci sont déjà présentes dans de nombreux secteurs, des plus médiatiques comme dans le PSG, le club de football parisien, au secteur du luxe, de l’hôtellerie. La France serait aujourd’hui, la première destination des investissements qatari au sein de l’Union Européenne.
Mais, le Qatar pourrait à travers son fonds d’investissement souverain QIA (Qatar Investment Authority) être intéressé à prendre des participations dans le secteur de l’aéronautique, y compris la fabrication de drones.
Les deux pays ont aussi noué de solides liens au niveau diplomatique et culturelle. La France et le Qatar travaillent ensemble sur des actions humanitaires dans la bande de Gaza. Au niveau culturel, depuis 2012, le Qatar a rejoint l’Organisation Internationale de la Francophonie en tant que membre associé, et l’émir Tamim ben Hamad al-Thani maitrise parfaitement la langue française. Ce partenariat entre les deux pays s’est notamment développé sous la présidence de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 et qui a œuvré pour un approfondissement des relations entre la France et le Qatar.
Le Qatar et la France ont tous les deux intérêts à travailler ensemble pour faire avancer leur stratégie de développement respective. Les investissements qatari doivent être vus dans une perspective à long terme et demandent donc un rapprochement et une plus grande coordination des politiques de la France et du Qatar.
Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.