Un passeport vert?, optez pour Vanuatu

Vanuatu offre un nouveau type de passeport pour les investisseurs étrangers pour développer l'huile de coprah.

par Sébastien GOULARD

L’archipel de Vanuatu, en Mélanésie, a lancé au début de l’année 2024 un nouveau programme de citoyenneté destiné aux investisseurs étrangers qui choisissent de soutenir la transition environnementale dans ce pays du Pacifique.

Plusieurs pays ont mis en place des programmes à destination des investisseurs étrangers permettant d’obtenir un passeport national. Ces visas dorés sont généralement offerts à la condition d’un investissement minium, généralement assez conséquent, dans le pays-hôte. Par exemple, au Portugal, il est nécessaire d’investir un minimum de 500 000 euros dans le pays. Mais ces programmes sont souvent décriés, et plusieurs Etats ont pour objectif de mettre fin à ces mesures. Ces programmes sont en effet critiqués pour favoriser une certaine surchauffe immobilière, comme à Lisbonne ou Porto, puisque ces investisseurs ont pour cible première des appartements qui sont souvent mis en location sur des plateforme comme AirBnB et donc ne bénéficient pas directement aux locaux. Dans l’Union Européenne, les pays qui ont mis en place ces programmes sont aussi critiqués par les autres Etats-membres qui déplorent que ces visas dorés permettent ainsi l’accès à l’ensemble de l’Espace Schengen, à des investisseurs parfois peu fréquentables comme des oligarques proches du Président russe.     

Le Vanuatu a lui aussi été confronté à ce problème. Comme d’autres Etats insulaires du Pacifique, le Vanuatu offrait son passeport à des personnes peu recommandables en échange de sommes d’argent. Une enquête du Guardian parue en 2021 montrait que plus de 2000 étrangers, dont certains fugitifs, criminels ou dignitaires nord-coréens avaient bénéficié de ce programme de visa doré, qui leur permettait, grâce au passeport vanuatan de voyager sans restriction au Royaume-Uni et dans l’ensemble de l’Union Européenne, tout en bénéficiant du statut de paradis fiscal du Vanuatu. Depuis son lancement en 2017, ce programme avait rapporté près de 116 millions de dollars cet Etat de moins de 300 000 habitants.

Face à l’étendue du scandale, le Vanuatu a décidé de diversifier ses programmes d’octroi de son passeport en lançant une nouvelle option présentant une forte dimension environnementale. Pour prétendre au passeport de ce pays, les étrangers ont le choix entre faire une donation au gouvernement de Vanuatu, d’investir dans l’immobilier de l’archipel ou encore de soutenir les efforts du pays dans la transition énergétique.

Ainsi, selon le dernier volet du programme, les étrangers doivent verser 165 000 dollars au Vanuatu (pour une famille jusqu’à quatre personnes) ce qui comprend un investissement de 50 000 dollars dans le « fond du futur CNO » pour booster l‘essor de l’huile de noix de coco ; l’objectif étant de remplacer l’utilisation d’énergies fossiles par de l’huile de noix de coco.

Ce nouveau programme participe à l’application de la stratégie d développement à basses émissions  2050 du Vanuatu (Low Emissions Development Strategy soit LEDS) adoptée en 2022. Cette stratégie a pour objectif de permettre le développement de l’économie vanuatane tout en préservant son environnement en réduisant les émissions dans les principaux secteurs d’activités de l’archipel. Ainsi, sur le transport, le Vanuatu veut accélérer le développement de nouveaux véhicules plus sobres en énergie. Justement, sur la question de la production de l’énergie, il s’agit de renforcer l’accès à l’électricité sur toutes les îles tout en augmentant les sources d’énergies durables  et réduisant le recours au bois pur la cuisine, et aux générateurs électriques fonctionnant au diesel. Dans cette stratégie, qui aborde aussi le secteur agricole, un des axes est de transformer les lieux de pâturage en aires mixtes, pâturage et coprah. Les autorités du Vanuatu ont bien conscience que le développement de l’huile de coprah ne doit pas se faire aux dépens des forêts primaires qui sont déjà impactées par l’utilisation du bois par les habitants. Ce sont donc de nouvelles plantations qui devraient voir le jour dans les espaces déjà consacrés à l’élevage extensif. Pour permettre le développement de l’huile de coprah, les autorités comptent donc sur les investissements des étrangers désireux d’obtenir la nationalité du Vanuatu dans ce nouveau secteur.

Le Vanuatu est l’un des Etats les plus engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de l’environnement. Confronté à l’élévation du niveau de la mer, le Vanuatu doit déjà évacuer certains villages et déplacer une partie de ses habitants dans des zones plus sécurisées. Le dérèglement climatique cause aussi l’arrivée de cyclones plus violents, plus dévastateurs comme ceux d’octobre 2023 qui avaient provoqué d’importants dommages dans le nord de l’archipel.

En mars 2023, le Vanuatu présentait à l’ONU une résolution promouvant la justice climatique, et permettant à l’Assemblée générale  des Nations Unies de demander l’opinion de la Cour  Internationale de Justice sur les conséquences juridiques auxquelles devraient faire face les Etats qui ont causé de dommages en matière climatiques à d’autres pays.

Le Vanuatu est aussi un état peu développé qui souffre d’un endettement élevé auprès de banques étrangères et notamment chinoises et qui dépend largement de l’aide à la coopération. Si cette aide est bien sûr la bienvenue, Port-Vila tente aussi d’accroitre ses ressources propres. Si ce nouveau programme de visas dorés ne pourra pas résoudre entièrement la question de l’endettement du pays, il s’agit au moins d’une bonne opération de marketing qui permet à la communauté internationale de mieux connaitre la stratégie mise en place par le Vanuatu pour accélérer sa transition énergétique.

Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.

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