par Sébastien GOULARD
En juin 2024, le Premier ministre Hun Manet a appelé à la modernisation de Phnom Penh, afin de rivaliser avec les autres capitales de l’ANSEA. Le Cambodge a connu un développement économique plus tardif que la majorité des autres Etats d’Asie du Sud mais est devenu depuis une dizaine d’années une économie très dynamique, ce qui a bouleversé sa capitale. Phnom Penh est maintenant une mégalopole de 2,3 millions d’habitants, sa population a doublé en vingt ans. Grâce à sa croissance économique, -5,4% en 2023-, une classe moyenne a émergé qui aspire à de nouvelles infrastructures. Entre 2018 et 2023, la croissance annuelle du nombre de véhicules motorisés (voitures particulières, camions, motos) au Cambodge était de 11%. Ces nouveaux usages demandent une certaine évolution de la capitale Phnom Penh, et notamment des investissements plus conséquents dans le développement d’une offre de transport collectif et de mobilité variée pour réduire les bouchons. En 2023, le premier ministre Hun Manet annonçait le lancement d’études de faisabilité concernant la construction d’un réseau de métro, souterrain ou aérien, dans la capitale.
Le plan de modernisation présenté par le Premier ministre Hun Manet ne se réduit pas aux transports, il aborde aussi l’éclairage urbain, la vidéosurveillance, les panneaux solaires, la gestion de l’eau, le traitement des déchets… Il s’agit bien de transformer entièrement la capitale, afin d’accélérer la mise en place du plan urbain Phnom Penh 2035, adopté en 2015 pour rivaliser avec les autres capitales du Sud-Est asiatiques.
La coopération avec Singapour
Pour cela, le Cambodge mise à la fois sur le secteur privé et les investissements étrangers, et notamment sur Singapour avec qui des accords de coopération existent. En juin 2024, lors de la visite officielle du Premier ministre Hun Manet à Singapour, un accord de coopération digitale a été signé entre les deux Etats. Grâce à cet accord, l’administration cambodgienne pourra offrir plus facilement des services en ligne aux habitants.
La coopération avec Singapour dans le domaine des smart cities ne date pas d’hier. En 2019, l’entreprise singapourienne Limestock Network avait déjà été choisie pour développer un quartier de Phnom Penh suivant les principes de smart city. Plusieurs institutions de Singapour collaborent aussi avec le Cambodge sur son schéma directeur national de logistiques qui devrait permettre à Phnom Penh, mais aussi Siem Reap et Sihanoukville, de capter une partie des échanges entre le Vietnam et la Thaïlande et devenir un hub entre la péninsule indochinoise et la Chine.
Attirer les investissements étrangers, et notamment chinois
Le Cambodge attire de plus en plus d’investisseurs, principalement de Chine, mais aussi des autres pays, notamment de l’ANSEA, selon le souhait du gouvernement de diversifier ses partenariats. Pour renforcer son attractivité, la modernisation de Phnom Penh est une priorité. Les entreprises chinoises sont elles aussi très actives dans l’offre digitale de services à Phnom Penh. En octobre 2024, le ministère des postes et communication avaient signé un mémorandum d’entente avec le géant chinois Huawei pour renforcer leur coopération digitale.
La 5G et l’Intelligence Artificielle sont devenus des éléments majeurs de la coopération entre la Chine et le Cambodge. Les expériences de smart cities menées dans les diverses villes chinoises qui ont-elles aussi connu une urbanisation rapide, peuvent aider le Cambodge à développer son propre modèle pour sa capitale, mais aussi les villes de Siem Reap, Battambang et Sihanoukville, membres du réseau des Smart Cities de l’ANSEA.
Pour le Cambodge, il est nécessaire de garder un équilibre entre ses partenaires de Chine et de l’ANSEA pour conserver une indépendance relative dans le domaine digital. On peut imaginer de nouvelles coopérations pour le développement des smart cities avec d’autres partenaires tels que l’Inde ou encore l’Union Européenne
Les smart cities et les Cambodgiens
Les ambitions de smart city de Phnom Penh ne pourront se réaliser qu’avec le soutien des habitants de la ville. L’approche adoptée ne doit pas être entièrement « top-down », les autorités de Phnom Penh devront s’attacher à créer les conditions nécessaires à un dialogue avec les habitants, pour que ces derniers fassent remonter leurs besoins. Certaines villes européennes ont déjà adopté ce type d’approches et pourraient les partager avec la capitale cambodgienne.
Enfin, pour répondre au mieux à ses besoins de smart cities, et ainsi conserver son indépendance digitale, le Cambodge devra s’attacher à développer des filières techniques et universitaires lui permettant de développer ses propres solutions.
Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.