Le Canada et l’Indo-Pacifique
L’Indo-Pacifique est une construction géopolitique des régions englobant la confluence des océans Indien et Pacifique. Couvrant 40 pays, l’Indo-Pacifique abrite 65 % de la population mondiale et plusieurs grandes économies, dont : la Chine, l’Inde, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. Pour le Canada, la région comprend six de ses treize principaux partenaires commerciaux. La stratégie Indo-Pacifique du Canada, annoncée en novembre 2022, liste cinq objectifs stratégiques pour la région :
- Promouvoir la paix, la résilience et la sécurité
- Renforcer le commerce, les investissements et la résilience des chaînes d’approvisionnement
- Investir dans les personnes et les connecter
- Construire un avenir durable et vert
- Faire du Canada un partenaire actif et engagé
Une perspective stratégique
Comme le souligne le rapport compilé par Affaires mondiales Canada, l’instabilité générale de la région découle des troubles au Myanmar suite au coup d’État militaire, des tensions entre l’Inde et la Chine et de l’Inde et le Pakistan, et d’une escalade possible dans le détroit de Taïwan .Alors que l’agression potentielle de la Corée du Nord a toujours été une préoccupation, la décision récente de la Russie de fournir une assistance militaire à la Corée du Nord en cas d’agression armée est préoccupante. Le risque le plus inquiétant est la capacité de la Russie à armer la Corée du Nord avec des missiles balistiques et une technologie nucléaire, ce qui a suscité des préoccupations au sein de l’OTAN et du Conseil de sécurité de l’ONU. Bien que le Canada ne siège pas au Conseil de sécurité des Nations Unies pour les années 2024-2025, il a participé aux exercices navals RIMPAC en 2024 avec le NCSM Vancouver traversant l’océan Pacifique pour la mission de présence avancée « Opération Horizon » dans l’Indo-Pacifique.
La montée en puissance de la Chine et la réponse du Canada aux niveaux intérieur, bilatéral, régional et multilatéral sont mises en avant dans cette stratégie. Sur le plan domestique, le Canada renforce sa capacité à répondre à une ingérence étrangère, en modernisant la « Loi sur Investissement Canada », en protégeant les chaînes d’approvisionnement des minéraux critiques, en renforçant la défense de la propriété intellectuelle et en améliorant les mesures de cybersécurité. Le Canada a annoncé un budget de 2,3 milliards de dollars canadiens pour le renforcement militaire et la cybersécurité dans la région en 2022. De manière bilatérale, le Canada engage un dialogue avec la Chine pour faire avancer ses intérêts nationaux, revoir les mécanismes comme les protocoles d’entente, améliorer les services commerciaux et protéger l’accès à son marché. Régionalement, le Canada investit dans les relations et les institutions, promut un Indo-Pacifique apaisé et où règne la loi, et travaille avec des partenaires pour contrer les actions unilatérales dans des domaines critiques. Multilatéralement, le Canada collabore avec des partenaires sur la qustio de l’influence de la Chine et investit dans la gouvernance internationale. Un exemple est la 15e Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique à Montréal en décembre 2022.
Partenariats et projets
L’approche du Canada en matière de partenariats dans la région Indo-Pacifique consiste à tirer parti des dialogues multilatéraux clés et des forums tels que l’ASEAN, le Forum régional de l’ASEAN, l’APEC, le Dialogue de Shangri-La et le Forum des îles du Pacifique. Le Canada renforce également ses alliances existantes avec les États-Unis, l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et continuera sa participation active aux groupes mondiaux tels que le G7 et les Five Eyes. Le Premier ministre Trudeau a annoncé qu’il accueillera le 51e sommet du G7 en 2025 à Kananaskis, Alberta. Le rapport sur la stratégie Indo-Pacifique mentionne aussi des partenariats commerciaux tels que l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, l’Accord de partenariat sur l’économie numérique, l’Accord de partenariat économique global Canada-Indonésie et l’Accord de libre-échange Canada-ASEAN.
La doctrine canadienne reconnaît également l’Inde comme un partenaire stratégique majeur pour le Canada en raison de son importance stratégique, économique et démographique significative. En tant que treizième plus grand partenaire commercial du Canada avec un PIB de 4 000 milliards de dollars, l’Inde est centrale pour faire avancer les objectifs du Canada dans la région. La stratégie décrit des initiatives visant à approfondir les liens économiques par le biais du commerce et des investissements, à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement et à favoriser les partenariats en science, technologie et innovation. Le Canada cherche à étendre l’accès au marché indien via un accord commercial pour confirmer les premiers progrès et à soutenir les échanges académiques, culturels et académiques. En outre, le Canada veut renforcer sa coopération en matière de lutte contre le changement climatique et envoie des missions commerciales axées sur les énergies renouvelables et les technologies propres. Cependant, la récente brouille diplomatique avec l’Inde après l’accusation selon laquelle le service de renseignement indien aurait infiltré le Canada pour assassiner le séparatiste Khalistan Hardeep Singh Nijjar en 2023 a tendu les relations. Il reste des doutes sur une possible possible participation du Premier ministre Narendra Modi au sommet du G7 en Alberta l’année prochaine.
Parmi les principaux projets présentés dans la stratégie canadienne en Indo-Pacifique figure le dispositif de financement concessionnel de 720 millions de dollars de FinDev Canada pour améliorer les opportunités d’investissement dans l’Indo-Pacifique. FinDev Canada est une institution de financement du développement bilatérale qui soutient le développement durable et inclusif dans les marchés émergents et les pays en développement par le biais du secteur privé. Le nouveau Fonds Océan partagé du Canada, doté de 84,3 millions de dollars canadiens, améliorera la coopération maritime et créera un environnement marin sain dans l’Indo-Pacifique. Cette initiative vise à lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, en renforçant et en appliquant les réglementations internationales, en protégeant les stocks de poissons, en faisant progresser la conservation des écosystèmes et en mettant en œuvre des mesures de surveillance et de contrôle plus robustes. Le Canada s’est également engagé à allouer 492,9 millions de dollars canadien pour renforcer sa présence navale dans l’Indo-Pacifique et améliorer la participation des Forces armées canadiennes aux exercices militaires régionaux. Cependant, ces annonces audacieuses, en particulier celles liées aux dépenses de défense, suscitent une certaine opposition domestique contre le gouvernement Trudeau; ainsi Owen Schalk écrit : « alors que les Canadiens luttent pour joindre les deux bouts, le gouvernement Trudeau injecte des dizaines de milliards de dollars dans la machine militaire canadienne ». Des critiques ont été formulées à l’encontre du gouvernement, affirmant que la pauvreté au Canada est en hausse avec une crise de la vie chère, du logement et de politiques publiques qui affectent le citoyen ordinaire.
Conclusion
La stratégie Indo-Pacifique du Canada reconnaît l’instabilité de la région et souligne la réponse multifacette du Canada à la montée en puissance de la Chine par des actions domestiques, bilatérales, régionales et multilatérales. Le renforcement des partenariats avec des acteurs régionaux clés et l’amélioration de la présence militaire sont au cœur de la stratégie, illustrés par des investissements significatifs tels que le dispositif de financement concessionnel de FinDev Canada et le Fonds Océan partagé. Bien que ces initiatives visent à favoriser la stabilité et la croissance économique dans l’Indo-Pacifique, elles font également face à des critiques domestiques concernant la priorisation des dépenses de défense au milieu de la montée de la pauvreté. L’équilibre entre les ambitions internationales et les besoins domestiques reste un défi pour le gouvernement Trudeau alors qu’il cherche à positionner le Canada en tant que partenaire proactif et engagé dans la région Indo-Pacifique en rapide évolution.
Auteure: Natasha Fernando est une experte indépendante du Sri Lanka, spécialisée dans l’Indopacifique.
Cet article reflète les opinions personnelles de l’auteur et non nécessairement celles de Global Connectivities.