Gelephu, Mindulness City, nouvelle ville du Bhoutan

Le Bhoutan construit une nouvelle ville qui respecte les valeurs et le patrimoine de ce royaume himalayen à Gelephu.

par Sébastien GOULARD

Le royaume du Bhoutan est en train de construire une nouvelle ville à Gelephu. La construction de Gelephu Mindfulness City a ainsi été annoncée en décembre 2023 par le roi Jigme Khesar Namgyel Wangchuck. Cette nouvelle ville devrait devenir le principal hub économique du royaume, sur le corridor qui connecte l’Asie méridionale à l’Asie du Sud-Est. Pour attirer les investisseurs, Gelephu Mindfulness City ferait partie intégrante d’une région administrative spéciale.

Cependant, comme l’a présenté le roi, cette ville et région spéciale ne sera pas ouverte à toutes les entreprises. Les investisseurs devront s’engager à respecter les valeurs promues par le royaume himalayen et notamment son patrimoine et traditions bouddhistes, mais aussi sa conception du bonheur. Le Bhoutan a été le premier à développer la notion de « bonheur national brut » pour mesurer le bien-être de sa population, et l’a intégré dans sa constitution de 2008, et d’autres pays ou régions s’en sont inspirés. Le Bhoutan est aussi l’un des rares pays qui limite le nombre de visiteurs étrangers grâce à un permis journaliser que les touristes doivent acheter (même si le coût de ce permis à diminuer après la crise du Covid pour relancer le secteur touristique).      

De nouvelles infrastructures devraient voir le jour, dans le cadre de la création de Gelephu Mindulfness City, notamment dans les transports. Est prévu un nouvel aéroport pour accueillir des avions de plus grande capacité. De même, le Bhoutan pourrait coopérer avec l’Inde pour que les villes de la nouvelle région spéciale soient connectées aux réseaux ferroviaire et routier indiens. Un autre élément majeur du plan de développement de la région de Gelephu concerne l’énergie. Le Bhoutan est aujourd’hui le premier pays négatif en émissions de carbone grâce à ses forêts et ses installations hydroélectriques, et exporte la majorité de sa production électrique vers l’Inde. Un nouveau projet hydroélectrique devrait voir le jour à Gelephu afin d’alimenter en énergie la ville nouvelle. Le barrage de Sunkosh devrait intégrer un temple, et sa construction n’entrainerait aucun déplacement de population. Ce barrage devrait atteindre une capacité d’environ 4600 MW. L’éolien et le solaire ne sont pas oubliés. Le Bhoutan présenter un fort potentiel de production d’énergie solaire, et travaille déjà avec la Banque Asiatique pour le Développement pour renforcer ses capacités.

Un troisième secteur que le Bhoutan compte développer à Gelephu est celui de l’éducation. Une nouvelle université devrait voir le jour dans la nouvelle ville avec une offre de formation en philosophie, mais aussi dans la santé et les nouvelles technologies. Il s’agit d’attirer des étudiants étrangers mais aussi de retenir les jeunes Bhoutanais.

Comme le note Namgay Zam, le pays est confronté à une forte vague d’émigration, notamment à destination de l’Australie. Ainsi en 2023, près de 15 000 jeunes Bhoutanais ont obtenu un visa longue durée pour l’Australie pour y étudier, mais aussi y travailler ; ce qui crée une situation de « brain drain ». Le chômage des jeunes y est particulièrement élevé, pour atteindre près de 28% en 2022. Il n’y a actuellement pas assez d’opportunités pour les jeunes dans leur pays.

Gelephu Mindfulness City pourrait créer de nouveaux débouchés. Ainsi, les nouvelles technologies ne sont pas oubliées. Le Bhoutan espère attirer à Gelephu les entreprises des nouvelles technologies à la condition qu’elles puissent accélérer la transition énergétique pays. Dans le royaume himalayen, les nouvelles technologies vertes sont déjà bien développées. La finance est un autre secteur que le Bhoutan espère développer dans la nouvelle ville de Gelephu. Mais là encore, la priorité sera donnée à la finance verte, pour que les activités proposées par les investisseurs correspondent aux ambitions du royaume.

Les défis de Gelephu Mindfulness City

L’enjeu principal pour le Bhoutan sera donc de construire une nouvelle ville, aussi verte soit-elle, sans renier les principes de protection du patrimoine culturel et environnemental qui régissent le royaume. La nouvelle ville devrait attirer de nouveaux visiteurs, ce qui demander de nouvelles infrastructures et pourrait accentuer la pression sur les ressources et la culture du pays. Un équilibre devra être atteint entre croissance et préservation.

Un autre point important sera d’intégrer les habitants à ce projet, et donc de prendre en compte leurs besoins. Aujourd’hui, les villes du Bhoutan souffrent d’un déficit d’infrastructures, elles ne sont pas adaptées à l’exode rural qu’a connu la société depuis les vingt dernières années. Ainsi, la capitale Thimphou, a doublé en population de 2005 à 2024 passant de 79 000 à 144 000. En comparaison avec les métropoles d’Asie du Sud-Est, la population de Thimphou est très modeste, mais il n’empêche qu’il existe des besoins grandissants dans la construction. Quelle sera la place accordée aux habitants locaux de Gelephu Mindfulness City ? Quel sera l’impact de la création de la nouvelle ville dans les villages environnants ?

Au-delà du projet d’aménagement du territoire proposé à travers Gelephu Mindfulness City, le Bhoutan présente de nouvelles ambitions, celles d’un pays respectueux de son environnement et de sa culture, mais ouvert sur le monde. Coincé entre les deux géants que sont l’Inde et la Chine, et proche de l’Asie du Sud-est et de son dynamisme, le Bhoutan peut proposer devenir un nouveau hub régional et proposer un modèle de développement innovant. La priorité est maintenant pour le royaume de rassembler l’ensemble de sa population et ses acteurs dans cette vision.

Le projet de Gelephu Mindfulness City a été confié au cabinet Bjarke Ingels Group (BIG) en partenariat avec Arup et Cistri , et sera fiancé en partie par la banque bhutanaise  Oro Bank.

Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.

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