La vision de l’Irak pour 2050 : un tournant dans la reconstruction et l’intégration régionale

La Vision 2050 de l’Irak incarne un tournant stratégique, permettant la diversification économique du pays.

par Nimra KHALIL

L’Irak est un État marqué par des décennies de conflits, de turbulences économiques, ainsi que par un manque d’autosuffisance financière. Alors que l’ordre mondial est en mutation et que le Moyen-Orient fait face à des défis internes et externes, l’Irak commence désormais à emprunter une nouvelle voie, fondée sur le développement durable et l’intégration régionale. Le pays s’est doté d’une vision élaborée, formalisée dans le cadre de la Vision 2050, qui vise à dépasser la simple reconstruction pour jeter, à long terme, les bases de la diversification économique, de l’unité sociale et de la durabilité environnementale. Cette vision ambitieuse n’est pas seulement une réponse aux difficultés historiques rencontrées par l’Irak, mais aussi une opportunité stratégique de redéfinir l’avenir du pays dans un monde de plus en plus interconnecté.

Du chaos à la planification stratégique

L’Irak ne dispose pas d’une longue tradition de vision nationale unifiée. La Vision 2050, qui comprend un vaste programme de transformation, a été annoncée par le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani le 20 septembre 2025. Ce programme va au-delà de la simple gestion de crise : il vise à prévenir les chocs futurs, à diversifier l’économie et à renforcer la résilience du pays face aux transformations rapides de l’économie mondiale.

Dans le cadre de la Vision 2050, il est souligné que l’Irak ne peut plus se permettre de dépendre des combustibles fossiles comme pilier de son économie nationale, d’où la nécessité affirmée de diversifier et de moderniser ses bases économiques.

Diversification économique : moins de pétrole, plus d’opportunités

L’économie irakienne a longtemps été excessivement dépendante du pétrole, qui fournit une part substantielle des revenus publics et des exportations. Bien que les estimations de cette dépendance varient selon les sources et les périodes, le pétrole a historiquement contribué de manière significative au PIB et aux recettes de l’État irakien. La Vision 2050 et les plans qui y sont associés visent à accroître les activités économiques non liées aux hydrocarbures, notamment dans les secteurs industriel, agricole et des services.

Un rôle central pour  les grands projets d’infrastructures stratégiques

Le Grand port d’Al-Faw, conçu comme l’un des plus grands ports du Moyen-Orient, est appelé à devenir le projet phare de l’initiative « Development Road». Celle-ci pourrait permettre de rediriger jusqu’à 20 % du commerce Asie–Europe vers l’Irak. De tels programmes devraient créer au moins 1,5 million d’emplois et renforcer considérablement l’autonomie du pays en matière alimentaire, hydrique et énergétique grâce à des programmes durables.

Les infrastructures de transport bénéficient également d’investissements majeurs, notamment une contribution de 930 millions de dollars de la Banque mondiale destinée à l’extension et à la modernisation du réseau de transport irakien, afin d’améliorer le commerce intérieur et la connectivité. Par ailleurs, l’Irak a reçu d’importants investissements directs étrangers (IDE) dans son secteur pétrolier, estimés entre 100 et 150 milliards de dollars au cours des deux dernières années, avec l’objectif d’augmenter encore ces montants pour soutenir les efforts de modernisation et de diversification.

Le plan national de développement 2024–2028

En cohérence avec la Vision 2050, le Plan National de Développement (PND) 2024–2028 irakien constitue une feuille de route pragmatique pour la croissance et les réformes à court terme. Le PND met l’accent sur la résilience économique et la diversification, l’amélioration des services publics dans les domaines de la santé, de l’éducation et des infrastructures, le développement durable et l’adaptation climatique, ainsi que la transformation numérique et le développement du secteur privé. Ce plan vise à renforcer l’inclusion sociale et à traiter des problèmes structurels tels que le chômage et les inefficacités institutionnelles, afin de créer les conditions préalables à des réformes plus profondes.

Jeunesse, inclusion et développement durable

L’autonomisation des jeunes doit constituer une priorité nationale en Irak, compte tenu de la structure démographique du pays, dont la plus grande partie de la population a moins de 30 ans. Le gouvernement entend s’appuyer sur l’éducation, la formation professionnelle et l’entrepreneuriat pour exploiter le potentiel de la main-d’œuvre jeune et atténuer les vulnérabilités socioéconomiques.

De la même manière, la promotion du rôle des femmes dans l’économie et dans la vie sociale s’inscrit dans le cadre du développement national et reflète une tendance mondiale en faveur de l’inclusion.

Diplomatie et partenariats extérieurs

La vision irakienne ne se limite pas à la transformation interne du pays. En 2025, Bagdad a renforcé son engagement sur la scène internationale : l’Irak a signé un accord commercial et de défense d’envergure avec le Royaume-Uni, incluant des projets de coopération dans les domaines des infrastructures, de l’approvisionnement en eau potable et de la sécurité.

Des entreprises énergétiques internationales, telles que TotalEnergies (France) et QatarEnergy, ont conclu des coentreprises avec l’Irak afin de renforcer la production et les infrastructures énergétiques, illustrant la volonté du pays de coopérer avec des partenaires étrangers. Ces accords permettent à l’Irak d’accéder à l’expertise et aux financements nécessaires pour soutenir son programme de transformation ambitieux.

Engagement régional : l’Irak et le Pakistan

Les relations extérieures de l’Irak s’étendent au-delà de ses partenariats traditionnels. À titre d’exemple, l’Irak a proposé la création d’une liaison commerciale maritime entre son port stratégique de Bassora et Karachi, la plus grande ville commerciale du Pakistan, dans le but de renforcer l’interconnexion économique et la coopération bilatérale.

Cette proposition illustre l’ambition de l’Irak de se positionner comme facilitateur du commerce régional et met en évidence l’intérêt commun de Bagdad et d’Islamabad à développer les routes logistiques, commerciales et les opportunités économiques.

Les défis à venir

Malgré des cadres stratégiques crédibles, l’Irak continue de faire face à d’importants obstacles structurels. La faiblesse institutionnelle et la corruption ont longtemps constitué des freins majeurs à la confiance et au potentiel d’investissement. Les classements de l’indice de perception de la corruption montrent que l’Irak figure traditionnellement parmi les environnements les plus complexes pour les affaires, bien que des améliorations positives aient été observées. Les enjeux sécuritaires, la fragmentation politique et les lenteurs bureaucratiques continuent de retarder la mise en œuvre des réformes.

La résolution de ces problèmes sera déterminante pour transformer la vision en réalité.

Une vision comme catalyseur du changement

La nouvelle vision stratégique de l’Irak, fondée sur la Vision 2050 et mise en œuvre à travers le Plan National de Développement, ouvre de nouvelles perspectives pour un pays en transition. En mettant l’accent sur la diversification économique, la modernisation des infrastructures, l’inclusion sociale et l’engagement dans la coopération internationale, Bagdad cherche à redéfinir l’orientation nationale et à tracer la voie vers un avenir plus prospère.

La communauté internationale a un rôle à jouer dans ces plans : elle n’est pas seulement spectatrice, mais également contributrice à la stabilité, à la croissance économique et au développement durable de l’Irak.

Nimra Khalil

Nimra Khalil est une analyste géopolitique et chroniqueuse d’opinion basée au Pakistan. Ses recherches et analyses portent sur les relations internationales, les stratégies de sécurité et l’évolution des rapports de force dans un monde de plus en plus multipolaire, avec une attention particulière portée à l’Asie méridionale et à la région Asie-Pacifique.

À travers ses écrits, elle vise à apporter clarté et profondeur aux débats mondiaux en alliant rigueur analytique et sens de la narration.

Cet article reflète les opinions personnelles de l’auteur et non nécessairement celles de Global Connectivities.

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