par Abdul HAQ
L’Organisation internationale pour la médiation (OIMed), établie à Hong Kong, représente bien plus qu’un simple développement institutionnel au niveau international. Elle reflète la vision chinoise de la construction d’une « communauté de destin pour l’humanité » et illustre l’émergence d’un monde de plus en plus multipolaire, recherchant le dialogue, l’inclusivité, le consensus et des solutions axées sur le développement, en rupture avec les modèles traditionnels fondés sur des structures rigides.
Le 30 mai 2025 a marqué une étape importante dans le domaine du règlement international des différends et de la médiation avec la création de l’OIMed à Hong Kong. Lors de la signature de la Convention de l’OIMed, quelque 400 délégués issus de 85 pays et d’une vingtaine d’organisations internationales ont assisté à la cérémonie présidée par le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. Parmi eux figuraient 33 membres fondateurs, dont le Pakistan, l’Indonésie, le Bélarus et Cuba. La Chine a officiellement présenté cette institution comme bien plus qu’une simple initiative diplomatique : elle l’a qualifiée de « pas innovant dans l’État de droit international », une institution comblant « un vide institutionnel » dans la gouvernance mondiale et permettant de résoudre les différends de manière souple, économique et non conflictuelle.
Le 26 août 2025, un séminaire important intitulé « La diplomatie de la médiation de la Chine et l’OIMed : le règlement mondial des différends à l’ère multipolaire » s’est tenu à Islamabad, au Pakistan, organisé par l’Institut d’études régionales (IRS) dans le cadre de son programme sur la Chine, dirigé par Mme Nabila Jaffer. Les panélistes – notamment S.E. l’ambassadeur Jauhar Saleem, président de l’IRS, M. Murtaza Solangi, M. Ahmer Bilal Soofi, M. Shi Yuanqiang, M. Hamid Sharif, Mme Riffat Inam Butt et le Dr Bilal Zubair – ont souligné le rôle positif de la médiation dans les relations internationales et le soutien que la Chine apporte à la gouvernance mondiale. Ils ont réaffirmé à plusieurs reprises que la médiation pouvait être un véritable facteur de transformation dans la résolution des conflits dans un monde multipolaire émergent. Leurs échanges ont mis en évidence à la fois le potentiel, les défis et la responsabilité d’intégrer l’OIMed dans des systèmes de gouvernance antifragiles et inclusifs.
Les objectifs et le cadre organisationnel de l’OIMed s’inscrivent dans la vision de la diplomatie de la médiation et dans la conception chinoise d’une gouvernance axée sur le développement. Trois objectifs interdépendants résument le mandat institutionnel et la structure de l’OIMed : d’abord, faire de la médiation un moyen populaire et fiable de règlement des conflits interétatiques, en insistant sur son adaptabilité, la nature consensuelle des résultats et son attrait pour les États réticents à s’engager dans un arbitrage ou un contentieux juridiquement contraignant pouvant porter atteinte à leur souveraineté. Ensuite, élaborer des solutions pratiques, expertes et axées sur le développement aux problèmes politiques et techniques complexes transfrontaliers – qu’il s’agisse du commerce, du transit, de l’énergie ou de l’eau – plutôt que de recourir à un jugement contradictoire. Enfin, renforcer la voix du Sud global dans la gouvernance mondiale en institutionnalisant des méthodes de conciliation et de règlement des différends inspirées des traditions culturelles asiatiques et africaines, offrant des alternatives inclusives aux cadres juridiques occidentalo-centriques.
La création de l’OIMed constitue le signe d’une transformation majeure dans la gouvernance mondiale. Face à l’émergence de nouveaux pôles de puissance et au déclin relatif de l’hégémonie occidentale dans un monde multipolaire, la médiation s’impose progressivement comme un mode de résolution des conflits à la fois pragmatique et efficace. La compétence et l’exécution limitées de la Cour internationale de Justice, ainsi que la paralysie des institutions établies comme le Conseil de sécurité des Nations unies en raison du droit de veto, contrastent avec la médiation, perçue comme plus souple, économique et adaptée aux besoins des États du Sud global.
Les intervenants du séminaire de l’IRS ont souligné que la médiation s’inscrivait profondément dans les traditions culturelles sud-asiatiques et chinoises, où la résolution amiable des différends est généralement préférée à la voie judiciaire. Cette tendance vers le compromis et la réconciliation est parfaitement illustrée par le concept philosophique chinois yǐ hé wéi guì (以和为贵), selon lequel « l’harmonie est la valeur suprême ». L’OIMed est donc à la fois une entreprise politique et culturelle, puisant sa légitimité dans des traditions valorisant la tolérance et la paix. Bien qu’encore à ses débuts, sa conception institutionnelle met l’accent sur l’inclusivité et la flexibilité. Basé à Hong Kong, le Secrétariat supervise les affaires et soutient des groupes d’experts en droit international, diplomatie et technologie. Les décisions du Conseil sont prises par consensus plutôt que par vote, et tous les États membres des Nations unies peuvent y adhérer.
L’appui chinois sera déterminant pour le développement institutionnel de l’OIMed et l’expansion de sa capacité à favoriser la résolution amiable des différends. Cette coopération illustre un engagement partagé en faveur de la création de cadres multilatéraux promouvant la communication et la collaboration, sans porter atteinte à l’indépendance des États. Afin de garantir une approche reflétant la diversité mondiale, l’OIMed renforce sa légitimité en intégrant des experts issus de divers systèmes juridiques et régions du monde. En positionnant la médiation comme un processus volontaire et non contraignant, complémentaire des institutions judiciaires existantes, l’OIMed renforce plutôt qu’il ne remplace les voies traditionnelles de la justice.
Malgré son potentiel, l’OIMed est confronté à trois défis interdépendants qui détermineront sa crédibilité. La neutralité, tout d’abord, est un enjeu inévitable : compte tenu du rôle de la Chine comme initiatrice et premier bailleur, l’organisation devra appliquer des procédures impartiales et garantir une direction diversifiée pour dissiper les craintes qu’elle serve les intérêts stratégiques d’un seul État. Ensuite, la question de l’exécutabilité demeure centrale : la médiation étant volontaire, l’OIMed devra concevoir des incitations créatives et non coercitives, ainsi que des mécanismes de suivi, pour assurer la mise en œuvre et la durabilité des accords. Enfin, l’intégration systémique est essentielle à la pertinence à long terme de l’OIMed : sans reconnaissance ni engagement concret de la part de l’ONU, des grandes puissances et d’une adhésion géographiquement diversifiée, l’organisation risque de demeurer un forum utile mais limité, plutôt qu’une véritable institution mondiale.
En tant que membre fondateur, le Pakistan peut tirer parti du cadre de l’OIMed. Le pays est confronté à plusieurs différends régionaux souvent insolubles dans des enceintes hostiles, tels que les litiges hydriques avec l’Inde ou les conflits commerciaux et de transit en Asie du Sud. Une approche moins conflictuelle fondée sur la médiation pourrait contribuer à apaiser les tensions et à ouvrir la voie à des accords mutuellement bénéfiques. Les panélistes du séminaire de l’IRS ont encouragé les décideurs pakistanais à collaborer étroitement avec l’OIMed pour résoudre les conflits et participer à la définition de son avenir. Les diplomates et juristes pakistanais pourraient ainsi contribuer à éviter que l’OIMed soit perçue comme un projet exclusivement chinois.
À une époque où de nombreux mécanismes existants sont paralysés par l’impasse politique et les difficultés d’exécution, la création de l’OIMed représente un tournant majeur dans l’évolution de la gouvernance mondiale, marquant une préférence pour des modes de règlement des conflits fondés sur le dialogue et la non-confrontation. En tant que plateforme dédiée à la médiation, l’OIMed offre une voie positive et pragmatique pour sortir d’impasses anciennes, mais sa légitimité reposera solidement sur trois principes : neutralité, inclusivité et viabilité institutionnelle et financière.
L’émergence de nouvelles institutions comme l’OIMed appelle à un examen attentif du fonctionnement de la diplomatie de la médiation chinoise dans le cadre plus large d’un monde multipolaire. En tant que membre fondateur, le Pakistan endosse à la fois une opportunité et une responsabilité : participer de manière constructive, contribuer à façonner des procédures transparentes et éviter la perception d’un instrument géopolitique limité. L’avenir de l’OIMed dépendra en définitive de la manière dont les États l’accepteront – soit comme un bien public mondial légitime et authentique fondé sur la justice et le pluralisme, soit comme un outil d’intérêt local. Si la première option prévaut, l’OIMed pourrait s’imposer comme l’une des contributions les plus pragmatiques et efficaces à la coopération et à la consolidation de la paix au XXIe siècle.

















