Sommet de l’OCS 2025 : Une nouvelle ère pour la diplomatie asiatique et le multilatéralisme

Le sommet de l’OCS a symbolisé un moment clé dans les efforts de la Chine pour remodeler la gouvernance mondiale et la coopération.

par Abdul Haq

Bien au-delà d’une simple rencontre diplomatique, le 25e sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), tenu à Tianjin, marque un tournant dans le rééquilibrage des rapports de force à l’échelle mondiale. Plus de 20 dirigeants étrangers et les chefs de dix organisations internationales ont été accueillis par le président chinois Xi Jinping dans cette ville portuaire du nord de la Chine. Ce sommet s’est imposé comme une déclaration forte en faveur d’une nouvelle vision de la coopération internationale, en opposition aux cadres multilatéraux dominés par l’Occident.

Une importance stratégique

Le sommet de cette année a été le plus important et le plus ambitieux de l’histoire de l’OCS. L’organisation compte désormais 10 États membres à part entière, avec l’intégration récente du Bélarus (2024) et de l’Iran (2023), ainsi que 14 partenaires de dialogue et États observateurs. Elle représente ainsi près de la moitié de la population mondiale et environ 25 % du PIB mondial. Fort de cette expansion, l’OCS ne se limite plus à un bloc de sécurité régionale, mais devient, selon les mots du président Xi, un « mégamarché », doté d’un potentiel économique immense.

Ce sommet intervient à un moment hautement symbolique : quelques jours auparavant, l’administration Trump avait imposé des droits de douane punitifs de 50 % sur les produits indiens, accentuant les tensions déjà vives entre les États-Unis et la Chine. Ce contexte offrait à Beijing une occasion idéale de se positionner en défenseur du commerce équitable et du multilatéralisme, en alternative à ce que la Chine qualifie de comportement « intimidant » et de « mentalité de guerre froide » des États-Unis.

Vision et leadership chinois

Pour affirmer le leadership chinois sur la scène internationale, la prestation de Xi Jinping lors du sommet a relevé d’une chorégraphie diplomatique méticuleuse. Outre l’octroi d’une aide financière, l’annonce par le président chinois de subventions à hauteur de 2 milliards de yuans (280 millions de dollars) aux États membres, ainsi que de prêts de 10 milliards de yuans (1,4 milliard de dollars) via le Consortium interbancaire de l’OCS, établit la Chine comme un partenaire crédible, prêt à investir dans la prospérité mondiale, à une époque où les pays occidentaux se désengagent de leurs responsabilités internationales.

Le président chinois a lancé un appel fort à « rejeter la mentalité de guerre froide et les confrontations entre blocs » et à soutenir un « véritable multilatéralisme ». En mettant l’accent sur « l’esprit de Shanghai » — défini par l’égalité, la confiance mutuelle, l’avantage partagé, la consultation, le respect des civilisations et la quête d’un développement commun —, il offre une alternative convaincante à ce que beaucoup de pays en développement perçoivent comme de la conditionnalité occidentale et de l’ingérence.

Le rôle persistant de la Russie

Malgré les sanctions occidentales et le conflit en Ukraine, la Russie continue d’occuper une place centrale, comme en témoigne le rôle visible de Vladimir Poutine au sommet, y compris dans ses échanges cordiaux avec Xi Jinping et Narendra Modi. Son accueil officiel et sa participation à des discussions trilatérales de haut niveau avec la Chine et l’Inde donnent l’image d’une diplomatie active, affaiblissant les tentatives d’isolement menées par l’Occident.

L’accent mis par Poutine sur les « meilleures relations de l’histoire » entre la Chine et la Russie, ainsi que sa participation annoncée aux célébrations militaires à Beijing, viennent renforcer la durabilité de l’alliance stratégique sino-russe. Cet axe offre aux deux pays des marchés alternatifs et une influence diplomatique accrue, réduisant leur vulnérabilité face aux pressions économiques occidentales.

Le rapprochement sino-indien

Le réchauffement des relations entre la Chine et l’Inde, illustré par le premier déplacement de Modi en Chine depuis sept ans, constitue sans doute l’un des développements les plus significatifs. L’impact symbolique de la déclaration commune selon laquelle leurs pays sont « partenaires, non rivaux » est majeur. Cette détente, intervenue peu après les droits de douane américains sur les exportations indiennes, suggère que les pressions exercées par Washington pourraient involontairement rapprocher certaines grandes puissances de la sphère d’influence de Beijing.

Durant leur rencontre bilatérale, ont été abordées des questions pragmatiques telles que le déficit commercial, la stabilité des frontières et les mécanismes de renforcement de la confiance. Malgré les différends territoriaux non résolus, les deux dirigeants ont affiché une volonté pratique de mettre de côté leurs différends au profit d’une coopération stratégique élargie — une approche qui pourrait servir de modèle dans d’autres conflits régionaux, à l’instar de cadres diplomatiques ayant déjà fait leurs preuves ailleurs.

Réalités économiques et promesses

Malgré les annonces financières chinoises très médiatisées, les réalisations économiques de l’OCS restent en deçà de ses ambitions. En 2024, les échanges commerciaux entre la Chine et les autres membres de l’OCS ont atteint 890,3 milliards de dollars — une hausse notable, mais représentant encore une part modeste du commerce mondial. Des projets d’infrastructure comme CASA-1000 ou le gazoduc TAPI ont connu des années de retard, souvent pour des raisons de sécurité, illustrant l’écart entre les projets ambitieux et les réalités opérationnelles.

La proposition de création d’une Banque de développement de l’OCS reste une idée prometteuse, mais sa réussite dépendra de la capacité des États membres à coordonner leurs politiques et à mobiliser les ressources nécessaires — deux tâches historiquement complexes pour l’organisation. Sans mécanismes institutionnels solides pour faire respecter les accords ou résoudre les différends, de telles initiatives risquent de rester symboliques.

Les implications géopolitiques

La portée géopolitique du sommet réside dans la démonstration croissante de la capacité de la Chine à rassembler et à proposer des modèles alternatifs de coopération mondiale. À une époque où les institutions occidentales sont confrontées à des crises de légitimité, et où les États-Unis adoptent des politiques plus unilatérales, l’OCS offre aux pays en développement une plateforme fondée sur l’égalité et la non-ingérence.

Cependant, l’efficacité de l’OCS en tant que véritable contrepoids à l’influence occidentale reste sujette à caution. Son incapacité à traiter certains dossiers régionaux majeurs — comme la crise humanitaire en Afghanistan ou la guerre entre la Russie et l’Ukraine — révèle les limites du consensus au sein d’un groupe aussi hétérogène aux intérêts souvent divergents.

Bien que l’évolution de l’OCS reflète les grandes tendances vers un monde multipolaire, ses lacunes institutionnelles font qu’elle fonctionne davantage comme une plateforme diplomatique que comme une alliance opérationnelle. Elle manque de la profondeur institutionnelle et de la vision stratégique commune nécessaires à une action collective durable, malgré son utilité pour la gestion des relations et le positionnement symbolique.

Conclusion

Le sommet de Tianjin a efficacement mis en scène une image d’unité non occidentale et de leadership chinois, soutenant ainsi la stratégie de Beijing visant à redéfinir la gouvernance mondiale. Bien que la présence de dirigeants mondiaux en Chine, les promesses financières substantielles et les discussions bilatérales cordiales confirment le récit d’un changement des équilibres mondiaux, des doutes sérieux subsistent quant à la capacité de l’OCS à générer des avantages concrets ou à coordonner efficacement des réponses aux enjeux régionaux.

La croissance de l’organisation, avec la diversité et la complexité accrues qui en découlent, rend plus difficile l’obtention de consensus, notamment face à des rivalités persistantes comme celles entre l’Inde et le Pakistan. Même si l’impact pratique de l’OCS reste limité par des contraintes structurelles et des intérêts nationaux divergents, la véritable portée du sommet réside dans la démonstration de la sophistication diplomatique chinoise et de sa confiance croissante à contester les structures internationales dominées par l’Occident.

Auteur: Abdul Haq est titulaire d’un master en relations internationales de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l’Université de Jilin, en République populaire de Chine. Il travaille actuellement comme assistant de recherche au sein du CCTVES, à l’Institut d’Études Régionales (IRS) à Islamabad, au Pakistan. Il écrit sur des questions mondiales, la politique internationale, le droit international, la paix, les conflits et les études de sécurité, et a contribué à Modern Diplomacy et The Diplomatic Insight. Il est joignable à l’adresse suivante : ahsafi.edu@gmail.com.

Cet article reflète les opinions personnelles de l’auteur et non nécessairement celles de Global Connectivities.

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