par WANG Li
Le 20 mai, le président Trump a déclaré : « Nous allons véritablement achever le travail entamé par le président Reagan il y a 40 ans, en mettant définitivement fin à la menace des missiles visant le territoire américain. » Contrairement à sa récente promesse de mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures, cette fois, il semblait déterminé, entouré de son secrétaire à la Défense et de ses principaux conseillers militaires, présents à la Maison Blanche au moment de son discours.
En 1983, à l’apogée de la guerre froide, le président Reagan avait lancé ce qui fut appelé « l’Initiative de Défense Stratégique » (IDS), surnommée « Guerre des Étoiles ». Celle-ci visait à créer un bouclier défensif spatial contre les missiles nucléaires provenant d’adversaires hostiles. Bien que le projet ait été abandonné après l’effondrement de l’Union soviétique, l’administration Trump a décidé de le relancer sous le nom de « Dôme d’or », désignant « un système de défense antimissile ultra-moderne couvrant les États-Unis, capable d’intercepter des missiles balistiques, hypersoniques et nucléaires — voire des drones — depuis la terre et l’espace » (Thomas Novelly, 2025).
Ce projet, assurément coûteux, a été présenté par Trump comme devant être achevé en seulement trois ans, avec une efficacité « très proche de 100 % » pour un coût estimé à 175 milliards de dollars. Malgré cela, les experts en politique de défense émettent des réserves : si l’avenir immédiat de ce bouclier national dépend du financement à court terme devant être voté par le Congrès, il nécessitera probablement un engagement de long terme impliquant une hausse du budget militaire ou des arbitrages stratégiques, comme une réduction des effectifs de l’armée pour concrétiser cette vision ambitieuse présentée au peuple américain.
En plus de son budget de défense de 1 000 milliards de dollars proposé pour l’exercice 2026, l’un des défis majeurs de l’administration Trump réside dans les compromis à envisager pour financer le Dôme d’or. Par exemple, il serait envisagé de réduire de manière drastique les effectifs militaires, jusqu’à 90 000 soldats d’active. Selon Pete Hegseth, l’armée américaine devrait devenir « plus légère », tout en mettant l’accent sur les investissements prioritaires comme la défense aérienne et antimissile, notamment à travers le Dôme d’or pour l’Amérique.
Peut-être que le principal défi vient de la réaction de la Chine à ce projet. Beijing, avec ses partenaires dans le monde, a fermement exprimé son opposition à toute politique de sécurité exclusive qui se ferait au détriment de la sécurité des autres États. Dans un monde où les destins des peuples sont étroitement liés, les États devraient adhérer au principe d’une sécurité égale et indivisible, tant au niveau mondial que régional, et œuvrer collectivement à l’instauration d’une sécurité globale, intégrée et durable.
Les récentes déclarations officielles chinoises et les documents de politique étrangère soulignent l’engagement de la Chine envers la stabilité stratégique mondiale. Elle s’inquiète notamment du rejet par certains États dotés de l’arme nucléaire de la notion d’équilibre stratégique dans le contrôle des armements. Elle rappelle qu’au plus fort de la guerre froide, les deux superpuissances nucléaires respectaient une dissuasion nucléaire mutuelle dans un contexte bipolaire, plutôt que de domination unipolaire. Un rapport stratégique de 1985, intitulé « Un programme pour éviter la guerre nucléaire », soulignait que pour éviter une guerre nucléaire, il était crucial de maintenir à la fois la capacité militaire et la crédibilité des intentions et de la détermination politiques. Il est important de noter que la destruction mutuelle assurée (MAD) n’était pas une stratégie militaire, mais une condition de l’équilibre. À cette époque, les élites des deux camps s’étaient efforcées d’éviter de rechercher une « capacité de première frappe » ou de planifier une « démonstration nucléaire » en Europe ou en Asie (G. Allison, 1985). Dès lors, la préoccupation commune des puissances nucléaires favorisait la coopération en faveur de l’équilibre stratégique.
Dans ce cadre, la Chine s’oppose fermement à ce que les États-Unis, première puissance nucléaire mondiale, déploient des systèmes de missiles longue portée — du type Dôme d’or ou équivalent — chez leurs alliés, qu’ils soient dotés ou non de l’arme nucléaire. Les objectifs déclarés de ces systèmes, tels que les « frappes de précision en profondeur », les « chaînes de destruction » ou les « capacités de contre-attaque », sont perçus comme des activités provocatrices, compromettant la stabilité régionale et la sécurité mondiale.
Par ailleurs, la Chine déplore l’attachement des États-Unis à une politique étrangère fondée sur l’absence de pairs (« no peer »). Cette posture de la plus grande puissance nucléaire a contribué à déstabiliser l’équilibre stratégique en plaçant intentionnellement des ogives nucléaires à proximité des frontières d’autres puissances nucléaires, dans le but de s’implanter durablement dans des zones géopolitiques particulièrement sensibles. De telles actions visent à projeter la puissance militaire, à exercer une pression maximale et à mener d’autres activités hostiles, telles que des frappes de décapitation ou de désarmement, tout en renforçant les capacités d’interception de missiles. C’est une tactique employée par les États-Unis pour menacer les intérêts sécuritaires fondamentaux des États à travers le monde, y compris ceux des autres puissances nucléaires. Ainsi, à l’instar de la « Guerre des Étoiles » des années 1980, le Dôme d’or de Trump a été qualifié de « Guerre des Étoiles 2.0 irresponsable », dans la continuité du caractère controversé de l’IDS de Reagan.
La Chine a non seulement rejeté ce projet, mais elle en a aussi dénoncé les risques potentiels. Elle estime que le projet « Dôme d’or pour l’Amérique » vise à établir un système de défense antimissile mondial, illimité et multi-domaines, capable de contrer toute menace, y compris les missiles de puissances rivales ou quasi-rivales. Ce faisant, les États-Unis bafouent délibérément la règle universellement reconnue de l’équilibre des puissances. Cette règle engage toutes les puissances nucléaires à contribuer à la sécurité internationale dans le respect de la stabilité stratégique, qui demeure le principe central et fondamental de la stabilité stratégique mondiale.
Auteur: Wang Li est professeur de relations internationales à l’Unversité d’études internationales de Jilin, en Chine. Il a obtenu une licence en histoire internationale, une maîtrise en affaires internationales et diplomatie, ainsi qu’un doctorat en relations internationales et droit, respectivement en Chine, aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec un focus sur la politique étrangère des grandes puissances.
Cet article reflète les opinions personnelles de l’auteur et non nécessairement celles de Global Connectivities.