Le plan franco-brésilien pour l’Amazonie

Paris et Brasilia ont lancé un nouveau programme d’investissements dans la bioéconomie pour l’Amazonie lors de la visite du président Macron au Brésil.

par Sébastien GOULARD

Le président français Emmanuel Macron s’est rendu à Belem, le 26 mars 2024 pour une visite officielle de trois jours pour rencontrer son homologue brésilien Luis Lula da Silva, qui préside le G20. Ensemble ils ont annoncé le lancement d’un programme d’investissements verts pour l’Amazonie d’un montant de 1 milliard d’euros.

Avant de se rendre au Brésil, le président Macron avait fait étape en Guyane où il a annoncé la création d’une filière d’orpaillage légale pour mieux lutter contre les sites illégaux qui mettent en danger l’environnement guyanais.  La Guyane française fait partie intégrante du plan franco-brésilien pour l’Amazonie.

L’Amazonie reste la plus grande forêt tropicale primaire du monde, et son rôle est crucial dans la lutte contre le dérèglement climatique grâce aux émissions de carbone qu’elle absorbe. Sous la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2023), l’état de la forêt amazonienne s’est détérioré. L’ancien président brésilien a encouragé la déforestation au profit des grandes exploitations agricoles. Le président Lula en poste depuis janvier 2023 espère inverser cette tendance, notamment grâce à un nouveau plan national lancé en juin dernier qui vise à éliminer la déforestation de l’Amazonie pour 2030. Ce plan s’appuie sur l’imagerie satellite pour traquer les activités illégales dans la forêt amazonienne et aussi sur une meilleure gestion des titres de propriété. Le programme pourra aussi suivre les transactions pour l’achat de matériel forestier. Il s’agit d’une initiative ambitieuse portée par le gouvernement de Lula. Le Brésil, qui exerce la présidence tournante du G20 pour 2024 veut porter la voix des Etats en développement qui doivent allier protection de l’environnement et développement économique. Le président Lula s’est montré très volontariste sur la question environnementale, affirmant lors du dernier sommer du G20 qui s’est tenu à Dehli en septembre dernier que le monde était confronté à « une urgence climatique sans précédent ».

Protéger les forêts et assurer le développement de la bioéconomie

La France et le Brésil ont pour objectifs de développer la bioéconomie. Il s’agit de produire, d’utiliser et de transformer des bioressources, afin de diminuer notre dépendance aux énergies fossiles. En 2018, la France a lancé un premier plan d’action pour soutenir ce secteur. L’un des objectifs de ce plan d’actions était de mobiliser des financements pour en assurer son essor.

Au Brésil, la bioéconomie est devenue un pilier de la stratégie économique sous la présidence de Lula, un secrétariat général de la bioéconomie a ainsi été créé en 2023.  Pour Brasilia il est primordial de promouvoir de nouvelles filières liées à la protection de l’Amazonie, pour rendre les secteurs de l’élevage et de la production de soja, qui favorisent la déforestation, moins attractifs.

Pour cela, il faut des investissements de la part de l’Etat, mais aussi du secteur privé. Cela passe par un soutien à la recherche pour explorer de nouvelles solutions basées sur la bioéconomie.

Le plan franco-brésilien

Ce nouveau plan franco-brésilien pour la bioéconomie s’inscrit dans la feuille de route préparée par les deux chefs d’état en vue de la COP30 qui se déroulera à Belem en 2025. Pour atteindre cet objectif d’un milliard d’euros d’investissements publics et privés pour l’Amazonie, Brésil et France se sont engagés à travailler conjointement sur certains points.

Le premier est de renforcer le dialogue entre les administrations françaises et brésiliennes sur les questions de bioéconomie ; il s’agit ainsi de mieux coordonner les actions menées dans les deux pays.

Ce plan prévoit aussi un partenariat technique et financier entre l’Agence Française pour le Développement (AFD) présente en Guyane et au Brésil,  et deux banques publiques brésiliennes Banco da Amazônia (BASA) et Banco Nacional de Desenvolvimento Econômico e Social (BNDES).

Ce programme ne pourra voir le jour, si les entreprises françaises et brésiliennes des secteurs liés au développement durable ne sont pas sollicitées et ne forment pas de nouveaux partenariats, c’est pourquoi des actions seront aussi proposées grâce à la nomination de fédérateurs pour les entreprises privées brésiliennes et françaises.

Les deux pays ont aussi décidé de renforcer leur partenariat de recherche pour identifier les de nouvelles filières durables en Amazonie grâce à un accord scientifique entre le  Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária (Embrapa).

Enfin, un dernier aspect de ce plan concerne la création d’un centre de recherche et d’investissements sur les technologies de la bioéconomie qui pourra s’appuyer sur   Centre Franco-Brésilien de la Biodiversité Amazonienne (CFBBA) et nouveaux accords de coopérations entre les universités françaises et brésiliennes.

Vers un plan mondial de la bioéconomie

Le plan franco-brésilien doit être vu comme une première étape vers une stratégie plus globale. Ensemble, la France et le Brésil militent pour un plan mondial pour la bioéconomie qui permettra de mieux guider les investissements publics et privés vers ce secteur.

Le succès de l’initiative franco-brésilienne est donc essentiel pour que la communauté internationale puisse s’emparer d’un plan mondial.

La participation des communautés locales

Les projets de bioéconomie ne peuvent fonctionner sans l’implication des acteurs locaux, qui grâce aux opportunités offertes par la bioéconomie abandonnent la déforestation. 

Les populations locales ne sont pas exclues du plan franco-brésilien, au contraire. Lors de l’annonce de cette initiative, les présidents français et brésilien ont tenu à y associer le Raoni, chef du peuple kayapo et figure de la défense de l’Amazonie. Cela veut dire que le plan franco-amazonien pour l’Amazonie doit aussi comporter un volet d’éducation pour former les populations locales à la bioéconomie.

Pour le président français, ce plan ouvre de nouvelles perspectives. Il permet ainsi de confirmer le rôle de la France dans la protection des forêts, que le président Macron a endossé en tenant en mars 2023 le One Forest Summit à Libreville au Gabon. Ce plan doit aussi favoriser de nouvelles coopérations avec le Brésil, la première économie d’Amérique latine dans les secteurs innovants liées aux énergies renouvelables et à la finance verte.

Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.

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