par Sébastien GOULARD
Le 9 janvier 2024, Kassym-Jomart Tokaïev, le président du Kazakhstan, a signé un décret visant à transformer le village de Zhetygen, dans le district d’Ili, en une nouvelle ville appelée Alatau.
Alatau est encore une petite ville de 52 000 habitants, située à côté d’Almaty, le principal pôle économique du Kazakhstan. La nouvelle ville sera incluse dans la Zone Economique Spéciale d’Alatau, qui couvrira 96 500 hectares. Les autorités kazakhes s’attendent à ce que jusqu’à 110 000 emplois soient créés dans cette ZES. Les incitations offertes par la ZES devraient attirer des investisseurs du monde entier.
La première étape pour faire de cette ville un important pôle économique est de développer ses infrastructures. Alatau possède actuellement une petite gare, quelques écoles, un aérodrome et un hôpital. Des investissements majeurs doivent être réalisés dans la rénovation et la construction de nouvelles installations, afin que les entreprises puissent facilement opérer depuis Alatau.
En janvier 2024, le Kazakhstan comptait 14 ZES, réparties dans presque toutes les régions. L’une des ZES les plus célèbres est celle de Khorgos, près de la frontière avec la Chine. Khorgos ambitionne de devenir la principale passerelle entre l’Asie centrale, l’Europe et la Chine, car la principale ligne ferroviaire du pont terrestre continental de l’Initiative chinoise « Belt and Road » passe par cet endroit. Cependant, Khorgos n’est pas assez proche des principaux centres économiques du Kazakhstan, et par conséquent, peu d’entreprises nationales et étrangères s’y sont installées. Bien que Khorgos soit un centre logistique important, la production industrielle y est limitée.
Parmi les autres ZES au Kazakhstan, celle d’Aktau, sur la mer Caspienne, revêt une importance stratégique pour les ambitions de connectivité du Kazakhstan. Avec l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan promeut une nouvelle route maritime qui relierait l’Asie centrale au Caucase et à l’Europe. Cette route existe déjà, mais elle est peu utilisée car elle nécessite plusieurs modes de transport : ferroviaire, cargo et à nouveau ferroviaire. Avec de meilleures installations à Aktau, la route transcaspienne pourrait devenir compétitive.
Plusieurs ZES ont également été créées autour d’Astana, la capitale du Kazakhstan. Ces ZES comprennent « Astana New city » et « Astana Technopolis », ces deux ZES devraient renforcer l’attractivité du nord du Kazakhstan.
Les ZES sont devenues un outil majeur utilisé par les autorités kazakhes pour attirer davantage d’IED. Il est intéressant de noter que la ZES Alatau est très proche d’Almaty, le principal centre économique du Kazakhstan. Cela signifie que les autorités kazakhes n’ont pas entièrement axé leur politique de développement sur Astana et cherchent à rééquilibrer le développement régional. La création de cette nouvelle ZES à Alatau montre également la volonté du Kazakhstan de devenir moins dépendant de la Russie.
L’invasion russe de l’Ukraine a accéléré la prise de conscience du Kazakhstan de sa dépendance à l’égard de la Russie. Moscou adopte de plus en plus un ton hostile envers Astana en raison de la distance prise par le Kazakhstan par rapport aux ambitions impériales russes. Au Kazakhstan, les médias sont désormais encouragés à utiliser la langue kazakhe plutôt que le russe, et les autorités locales travaillent sérieusement à maintenir les sanctions contre Moscou, en brisant le commerce illégal entre les deux pays. Les échanges avec la Chine sont devenus prédominants, Beijing est désormais le partenaire commercial le plus important. Beijing est conscient de ce mouvement et ce n’est pas un hasard si la première visite officielle du président Xi Jinping à l’étranger après la crise du Covid a été au Kazakhstan. Tandis que la Russie est empêtrée dans le piège ukrainien qu’elle a créé, la Chine marque des points en Asie centrale. La ZES Alatau s’inscrit dans la stratégie du Kazakhstan pour attirer les entreprises chinoises. Mais la Chine n’est pas la seule cible. Le gouvernement kazakh cherche à diversifier le commerce avec d’autres partenaires et se tourne vers l’Europe. L’Union européenne et le Kazakhstan partagent certains intérêts communs, surtout depuis l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie. Pour l’UE, le Kazakhstan est devenu un partenaire majeur pour l’énergie et les matières premières. En novembre 2022, l’UE et le Kazakhstan ont signé un mémorandum d’accord sur les partenariats stratégiques en matière de chaînes de valeur pour les matières premières, les batteries et l’hydrogène renouvelable. Cet accord pourrait aider le Kazakhstan à accélérer sa transition vers une économie verte. Mais le Kazakhstan ne veut pas se reposer uniquement sur l’énergie et les matières premières, c’est pourquoi le pays crée des ZES, y compris celle d’Alatau. Pour créer des emplois et diversifier son économie, le Kazakhstan doit développer davantage d’industries, cette stratégie aidera également le Kazakhstan à développer davantage de relations avec des partenaires en dehors de la région.
Auteur: Sébastien Goulard est le fondateur et rédacteur de Global Connectivities.
